Picturalement littéraire ou littéralement pictural. (jusqu'au 15/09)

Je venais d'ouvrir les yeux quand la peur m’étreignit. Il y avait un bruit... Non, une absence de bruit qui m'effrayait plus qu'aucun son n'aurait pu le faire. Le temps que je m'habitue à la clarté ambiante, je pris conscience que j'étais allongée sur une pierre froide et couverte de mousse. Des courbatures faisaient souffrir mon corps mais la surprise vint me les faire oublier. Des arbres, il y avait tellement d'arbres autour de moi ! Je déglutis et m'agenouillai, une fine étole couvrait ma peau, je la retins par pur réflexe. Sans elle j'étais nue, pourquoi donc n'avais-je pas de vêtements ? La bouche ouverte, je vis passer des oiseaux de branches en branches, leurs yeux fixés sur moi. Ils n'étaient pas hostiles, loin de là, je dirais même accueillants, leurs chants étaient pour moi. Je le savais, sinon ils ne réchaufferaient pas mon cœur de cette façon.


Je devais me souvenir. Je ne portais aucun indice de ce qui s'était passé sur mon corps, pas de blessures, pas de mots écrits quelque part, rien d'autre qu'une vague odeur de fumée qui émanait de mes cheveux. La perplexité fit claquer mes ailes, ce geste réussit au moins à me prodiguer un élément de mon passé. Des cendres passèrent devant mes yeux et se déposèrent avec légèreté sur l'herbe, inconscientes du message qu'elles portaient.


Il y avait eu un incendie. Rouge, énorme, vorace et d'une chaleur qui me tannait encore le visage. J'avais volé près de la lune, pour fêter la nouvelle floraison. Je n'avais rien vu, ni les visages de nos agresseurs, ni la couleur de leurs lames. Je venais d'atterrir sur le toit de ma maison quand l'appel du temple avait retenti, le son des cloches avait chassé ma peur. Comme à chaque fois que mon village était en danger, le prêtre faisait sonner l'orchestre pour appeler les guerrières à combattre. A quitter leurs raisons et leurs volontés pour endosser le rôle cruel de soldat. Nous n'étions pas assez nombreuses, l'année de ma naissance avait été décevante et seulement dix jeunes filles avaient pu passer le rituel. Je ne me souvenais de rien, nos yeux étaient aveugles pendant la bataille et nos mémoires endormies, pour éviter de déformer nos âmes.


Les larmes me vinrent aux yeux. Si j'étais seule ici, nue et sans aucun signe de mon peuple excepté ce mince bout de tissu, cela ne voulait dire qu'une chose : j'étais la dernière.
Toutes les leçons que j'avais apprises depuis le début de mon enfance mirent un certain temps à venir à bout de ma peine. Combien je ne saurais le dire mais le soleil se couchait derrière les frondaisons. L'immobilité nouait mes muscles et la roche dure achevait de les blesser mais je ne savais pas où aller si je me levais. Si je décidais de tenir sur mes jambes et de marcher le monde continuerait à se dérouler sous mes pieds, il me prouverait qu'il existait toujours et que mon peuple n'était qu'une feuille dans son arbre. Que tout n'était rien, que les vies sacrifiées étaient aussi importantes qu'une étoile dans le ciel, que ma souffrance n'était qu'une vague dans un océan.


Seulement, qui d'autre à part moi pourrait s'en souvenir ? Qui d'autre pourrait réveiller la conscience endormie de ce monde et demander réparation pour mon village ?


Je regardai une dernière fois avec ébahissement la forêt autour de moi, elle représentait la vie. Le temple n'existait plus mais il souhaitait me voir suivre ce modèle, sinon jamais je n'aurais été envoyée ici. Très bien, qu'il en soit ainsi. Fini le sommeil pendant que le sang coule, fini la plénitude pendant que mes mains se souillent, fini l'amnésie pour que mon âme chante. Fini le crépuscule, je veux l'aube.

Coucou ! Comme j'ai eu des problemes d'internet j'ai décidé de retirer la limite de temps sur ce concours donc postez quand vous le souhaitez !